Séismes en Turquie et Syrie : résultats issus des services de ForM@Ter

Le lundi 6 février 2023, deux séismes d’une magnitude supérieure à 7 ont frappé la Turquie et la Syrie du Nord. Durant cet évènement majeur, ForM@Ter, pôle de données et de services Terre solide de l’infrastructure de recherche Data Terra a pu mobiliser les différents services développés dans le cadre du pôle, dédiés à l’analyse de la déformation du sol.

Les services ForM@Ter mobilisés

  • La CIEST2 (Cellule d’Intervention et d’Expertise Scientifique et Technique nouvelle génération), activée par la communauté scientifique suite aux séismes, pour une demande de programmation spécifique d’images stéréo/tri-stéréo Pléiades. Par la suite, si les conditions sont réunies, ces images pourront alimenter le service de calcul DSM-OPT (Digital Surface Models from OPTical stereoscopic very-high resolution imagery) pour générer des modèles numériques de surface (MNS).
  • GDM-OPT-ETQ (Ground Deformation Monitoring with OPTical image time series), service de calcul à la demande, de corrélation d’images optiques Sentinel-2, utilisé pour quantifier les déplacements cosismiques horizontaux.
  • FLATSIM, (ForM@Ter LArge-scale multi-Temporal Sentinel-1 InterferoMetry processing chain), service de calcul systématique en interférométrie radar (InSAR) à partir de séries temporelles d’images Sentinel-1, utilisé pour étudier le contexte pré-séismes.
  • GDM-SAR (Ground Deformation Monitoring with Synthetic Aperture Radar images), service de calcul à la demande (en cours de validation) d’interférogrammes à partir des images Sentinel-1, utilisé pour produire des cartes de déplacements cosismiques en ligne de visée des satellites.

L’ensemble de ces services permet ainsi de couvrir différents volets complémentaires pour l’analyse de ces séismes : la quantification du chargement tectonique avant les séismes, l’acquisition d’images optiques Pléiades haute résolution rapidement après les séismes, et le calcul des déplacements cosismiques, horizontaux (par corrélation d’images optiques Sentinel-2), et en ligne de visée des satellites radar Sentinel-1 (par InSAR).

Résultats

Contexte pré-séismes : cartes de vitesse du chargement tectonique

Le service FLATSIM permet de produire de manière systématique des interférogrammes à partir des données Sentinel-1, ainsi que des séries temporelles de déplacement, sur de larges zones géographiques. L’objectif est de mesurer des déformations de la surface de la Terre à l’échelle continentale, et d’assurer ainsi le suivi spatio-temporel de régions critiques (grandes zones de failles actives et systèmes magmatiques, glissements de terrain à l’échelle de grands massifs…). Il fonctionne sur Appel à Idées (AI) et la Turquie est l’un de chantiers cibles du premier AI. Des séries temporelles de déplacement du sol de 2014 à 2021 (donc antérieures aux séismes de Turquie de 2023) ont ainsi été calculées et permettent d’extraire des cartes de vitesse moyenne (tendance linéaire, séparée des termes saisonniers), montrant le mouvement relatif des plaques tectoniques et le chargement élastique au travers des failles dans la période pré-séismes (Figures 1 et 2). Un traitement incrémental pour la période 2020-2023 a également été réalisé peu après les séismes. Il permet d’extraire, en post-analyse, des cartes de déplacement co-sismique, utilisables comme 1er ordre et pour intercomparaison avec d’autres solutions plus précises (le traitement FLATSIM n’est en effet pas optimisé en terme de paramétrisation pour la mesure de déplacements soudains et forts comme ceux observés lors des séismes).


Fig. 1 : Carte de vitesse de déplacement moyenne au travers du système de failles Est-Anatoliennes (en mm/an et en ligne de visée du satellite) sur la période 2014-2021, le long de traces d’orbites ascendantes. Crédit: P. Derand (LG-ENS Paris).

Fig. 2 : Carte de vitesse de déplacement moyenne au travers du système de failles Est-Anatolienne (en mm/an et en ligne de visée du satellite) sur la période 2014-2021, le long de traces d’orbites descendantes. Crédit: P. Derand (LG-ENS Paris).

Coordination de l’acquisition d’images optiques haute-résolution suite aux séismes

Le dispositif de la CIEST2 a pu être activé juste après les séismes pour permettre l’acquisition progressive d’images optiques haute-résolution Pléiades, sur la zone géographique des séismes. Ces images serviront notamment à la cartographie précise des ruptures de surface et à la mesure par corrélation d’images des déplacements co-sismiques. Les analyses sont en cours.

Premières mesures des déplacements co-sismiques

À partir images optiques

Pour mesurer les déplacements co-sismiques, les experts ont utilisé le service GDM-OPT-ETQ, permettant un traitement par corrélation d’images optiques du satellite Sentinel-2 pré- et post-séismes (25/01/23-09/02/23). Ce traitement a été effectué sur la plateforme de calcul GEP / Geohazards Exploitation Platform et à partir des webservices ForM@Ter. Ce service de calcul à la demande a été conçu pour quantifier les déformations co-sismiques engendrées par des séismes de magnitude significative. Il offre un module pour la mesure du déplacement à une précision sous-pixel à partir d’une ou plusieurs paires d’images optiques et un module pour la correction des résidus géométriques.

Les produits finaux du traitement sont des cartes de déplacements horizontaux Est-Ouest et Nord-Sud couvrant plus de 300 km le long des failles, à une résolution spatiale de 10 m.

Ces résultats sont décrits en détail et accessibles via l’article dédié sur le site web de ForM@Ter.

À partir d’images radar

L’imagerie radar et la technique InSAR permettent aussi aux experts d’observer et d’analyser les effets des séismes.

Des premiers traitements interférométriques à partir des images Sentinel-1 ont pu être effectués via le service GDM-SAR (actuellement en phase de validation) pour produire des cartes de déplacements co-sismiques en ligne de visée du satellite, le long d’une trace en orbite ascendante (A14) et d’une trace en orbite descendante(D21), chacune de 240 km de large et environ 350 km de long. La 1ʳᵉ image post-séisme a été acquise le 09/02/2023 à 15h35 (TU) sur l’orbite ascendante A14, la suivante sur l’orbite descendante D21 le 10/02/2023 à 3h35 (TU) ; elles ont été combinées chacune avec une image prise 12 jours plus tôt dans les mêmes conditions orbitales pour produire des interférogrammes co-sismiques (exemple pour D21 figure 3) (voir aussi : article CNES). Des interférogrammes couvrant la réplique de Mw6 près de la ville d’Antioche ont également été produits (figure 4).

Fig.3: Interférogramme co-sismique (orbite descendante D21, 29/01/2023-10/02/2023) incluant
les deux séismes principaux de Mw 7.5 et 7.8. Crédit: L. Pousse-Beltran (ISTerre).
Fig.4: Interférogramme montrant une réplique de Mw6 près de la ville d’Antioche (orbite
descendante D21, 10/02/2023-22/02/2023). Crédit: L. Pousse-Beltran (ISTerre).

Conclusion

Ces actions et premiers résultats suite aux séismes en Turquie et Syrie illustrent le potentiel des services de ForM@Ter pour répondre rapidement à des événements catastrophiques. Des réflexions sont en cours pour systématiser ce type de réponse, améliorer la coordination dans l’utilisation et l’exploitation de ces services, en coordination avec d’autres organismes ainsi que les autres pôles de Data Terra.

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