Estimation du volume de glace détaché lors de l’effondrement du glacier au Kirghizistan à l’aide d’images Pléiades
Le 10 juillet 2022, une semaine après l’effondrement du glacier Marmolada en Italie, un glacier au Kirghizistan s’effondre également sans laisser de victimes. Le 11 juillet, l’activation du dispositif d’urgence de la Cellule d’Intervention et d’Expertise Scientifique et Technique nouvelle génération (CIEST²) de ForM@Ter a permis l’acquisition des images stéréo de la zone grâce au satellite Pléiades-1A (CNES, Airbus DS).
Les données satellitaires sont nécessaires pour décrire l’événement et mieux comprendre pourquoi les glaciers s’effondrent et si ces effondrements deviennent plus fréquents (Kääb et al., 2021).
Méthode
Les premières images stéréo ont été acquises le 12 juillet. L’une des deux images présente une couverture nuageuse sur la zone d’intérêt mais l’autre laisse apparaître une nette cicatrice qui marque la limite supérieure du détachement.
La langue du glacier s’est en effet entièrement effondrée sur une largeur de près de 300 m. Grâce à différents outils dont le logiciel ASP et le service DSM-OPT via ForM@Ter, un modèle numérique d’élévation (MNE) a pu être calculé malgré la couche nuageuse sur certaines images. Il n’est pas complet mais fournit une première description quantitative de l’événement. Une carte des différences d’élévation a été calculée utilisant le MNE 30 m de Copernicus comme référence.
Les premières images étant partiellement nuageuses, les satellites Pléiades 1A et 1B (CNES/Airbus) ont continué à les acquérir au-dessus du Kirghizistan et des nouvelles images ont été acquises le 16 juillet 2022. Grâce à l’initiative Dinamis, des images de l’archive Airbus DS datant du 17 septembre 2021 de la même région ont pu être utilisées pour les calculs. Grâce à ces nouveaux MNE, l’estimation initiale du volume de glace qui s’est effondré a pu être affinée.
Il a été également possible de cartographier la zone couverte par le dépôt (la zone en bleu): un mélange de roche, de glace et de neige.
Résultats: estimation du volume de glace détaché
La surface effondrée est d’environ 0,05 km² avec une baisse d’altitude de 30 m (max = 50 m): la première estimation de la perte de volume est d’environ 1,5 millions m³. Pour le contexte, ce volume est plus de 20 fois supérieur à l’effondrement du glacier Marmolada.
Avec les nouvelles images, le calcul affiné donne un volume de 1 145 000 m3 provenant d’une surface de 0,04 km² (zone en rouge). Sur la surface de dépôt (en bleu) de 0,52 km2, l’élévation moyenne est de +1,56 m, ce qui se traduit par un gain de volume de 815 000 m3, soit 330 000 m3 de moins que le volume estimé précédemment.
Pourquoi les deux estimations ne correspondent pas ? Il y a plusieurs explications possibles à cela. Entre autres :
1. Il y a des incertitudes de 1 à 2 m sur les mesures de différence d’altitude issues de tels capteurs (Pléiades et SPOT7). Cela peut sembler beaucoup par rapport au signal, mais nous savons également que l’erreur est réduite après avoir fait la moyenne sur la zone de 0,5 km², diminue même généralement jusqu’à +/- 0,4 m en utilisant les mêmes données (Hugonnet et al., 2022);
2. Une partie de la différence peut être due à la fonte des dépôts de neige/glace entre le 9 et le 16 juillet ;
3. Les images SPOT7 ont été acquises en septembre 2021 donc plus proche de l’événement que les données Copernicus 30 DEM qui ont été utilisées dans la toute première estimation. Pourtant le glacier a changé entre le 17 septembre 2021 et le 9 juillet 2022 et il est difficile de mesurer ce changement.
Auteurs
Etienne Berthier, Simon Gascoin
Information présentée également sur: https://labo.obs-mip.fr/multitemp/kyrgyzstan-viral-avalanche-first-views-of-the-glacier-scar-using-pleiades-images
Et un complément avec les Pléiades du 16 juillet Kyrgyzstan glacier collapse. New Pléiades and SPOT7 images tell us more… – Séries Temporelles (obs-mip.fr)